samedi 27 octobre 2007

Non, Monsieur Attali, le principe de précaution n’est pas ringard

Le “Grenelle de l’environnement” n’est pas encore terminé que les premières salves se font entendre. Mais curieusement la première bordée ne vient pas directement des représentants de l’industrie ou des économistes, mais de Mr Jacques Attali président de la commission “présidentielle” chargée d’examiner les obstacles au développement économique et à la croissance, la fameuse Commission pour la libération de la croissance française. Ce dernier a fait connaître que dans sa grande sagesse, ledit groupe considérait le principe de précaution, inscrit dans la Constitution française depuis mars 2005, comme un obstacle au progrès et devait donc être supprimé. Je ne doute pas une seconde que cette suggestion provienne des profondeurs de l’intelligence collective de ce groupe, et si je devais en trouver confirmation, Le Monde en date du 26 octobre (page 22) ne ferait qu’apporter de l’eau à mon moulin.Sous la plume de Claude Bébéar, président du conseil de surveillance d’Axa et riche penseur, s’il en est, un article vengeur essaie de détruire ce pauvre principe de précaution (“Non aux ayatollahs de la prudence, il faut renoncer à la constitutionnalité du principe de précaution, qui paralyse l’innovation et la recherche”). Je laisse à chacun le plaisir de se délecter de cette prose pour seulement souligner que ce principe a, selon la commission, des effets paralysants très inquiétants sur l’innovation et la recherche. Diantre, nos cadres de l’économie et de l’industrie ont enfin trouvé la cause de tous nos maux . Ce n’est pas la place désolante accordée à la recherche par notre industrie qui se retrouve si souvent à la remorque des innovations venues d’ailleurs, ce n’est pas le désintérêt de notre société dominante pour la recherche et l’innovation, ce n’est pas le peu de cas que notre haute société accorde à tout ce qui n’est pas conforme, ce n’est pas les ravages de la transmission héréditaire de pans entiers de notre économie à des petits bonhommes qui se sont donné seulement le mal de naître et qui croient n’avoir aucun à rendre à personne, non, mille fois non, la cause c’est le principe de précaution, vous dis-je !Car, au fond tout se tient ! Que l’industrie chimique pollue et tue pendant des décennies sans vergogne en toute impunité (amiante, dioxines et j’en passe) que l’industrie pharmaceutique mette sur le marché des produits dangereux sans le dire, que l’industrie “alimentaire” ait propagé l’encéphalite spongiforme bovine dans le cheptel britannique et même européen, avec les risques de propagation de la maladie de Kreuztfeld-Jacob chez les humains, que le dramatique accident dans la centrale nucléaire de Tchernobyl ait brusquement mis en lumière les risques terrifiants du nucléaire civil, ces messieurs n’en ont que faire. Le progrès vaut bien son prix de chair humaine.Seulement, voilà, les temps ont changé. Les tirades sur le frilosité, les atermoiements, le refus de la condition humaine sont les arguments ordinaires des tenants du pouvoir économique et d’une forme de despotisme politique exercé par notre intelligentsia intellectuelle. Il n’y a aucune frilosité à condamner les responsables d’un usage abusivement prolongé de l’amiante : on en savait le danger depuis 1906 en France, et on ne l’a interdit qu’en 1996. Au prix de centaines de milliers de morts, et, selon eux, il faudrait continuer…Tout ce petit monde n’est pas sérieux ni seulement respectueux de la vie des autres. Obliger les responsables de la mise en fabrication ou en production d’un produit innovant, d’en vérifier l’innocuité est une précaution élémentaire qui ne paralysera que les irresponsables. Et c’est tant mieux…
Source : http://www.votresante.org

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